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  • Théâtre
  • Mariel O'Neill-Karch (bio)

Depuis quelques années, les critiques s'entendent pour qualifier le théâtre contemporain de postdramatique. La distinction canonique entre le théâtre qui montre et le roman qui raconte n'a plus cours, puisqu'il est de plus en plus évident que le théâtre, même si l'aspect scénique est très important, a toujours raconté et raconte toujours. C'est ce que prouve de façon magistrale Le théâtre et ses nouvelles dynamiques narratives, un recueil d'articles rassemblés par Chantal Hébert et Irène Perelli-Contos. Les recensions qui suivent tâcheront de démontrer à quel point les pièces publiées en 2004 jouent autant avec la narrativité postdramatique qu'avec l'éclatement spatio-temporel de la postmodernité.

Humanitas

Les malheurs des Gaspésiens ont inspiré à Sylvain Rivière Ispigiac, peuple de la mer, une vaste fresque historique (1400 à 2004). L'arrivée, en 1774, du Jerseyais Charles Robin marque le début d'une longue exploitation d'un peuple de pêcheurs, pris dans un cercle vicieux où le prix du poisson n'est jamais assez élevé, même quand la pêche est bonne, pour leur permettre de faire vivre leurs familles. Cette pièce àthèse, à portée didactique, a été conçue pour être jouée « sur le site historique du Banc de Paspébiac, au coeur de la Baie-des-Chaleurs, en Gaspésie, au travers des différents bâtiments encore existants, sur le quai, la route, la passerelle et les alentours, puisqu'il s'agit ici d'une saga historique déambulatoire ». Genre assez particulier, donc, puisque le texte, qui doit être rendu dans un site particulier, s'adresse de toute évidence à des Gaspésiens de 2004 que l'auteur veut rendre conscients des malheurs endurés par leurs ancêtres et qui marquent toujours durement ce coin du pays. Cela dit, même si cette pièce « raconte » beaucoup, sa facture didactique n'en fait pas une oeuvre postdramatique.

L'instant MêMe

Masque de la meilleure production Québec 2003, Lentement la beauté inaugure avec brio la collection « L'instant scène ». Née d'une nouvelle écrite à relais par les comédiens de la troupe du Théâtre Niveau Parking (nouvelle d'une cinquantaine de pages, reproduite au début de cette édition), la pièce fait l'éloge de diverses beautés du monde, sans grand [End Page 521] drame, sans explosion de conflit, dans une lenteur aussi savante et aussi réussie que celle de Milan Kundera. M. L'Homme (lire M. Tout-le-monde), un cadre de quarantehuit ans, marié et père de deux enfants, s'ennuie. Son existence est sans relief. Un jour, on lui offre des billets pour Les troiseurs, de Tchekhov. Il n'a pas l'habitude de fréquenter le théâtre, mais comme il déteste le gaspillage, il ira. Émerveillement. Il y retournera. Il achètera le livre, le lira et le relira. Il apprend à tout regarder, comme « les oiseaux migrateurs, les oies [qui] volent, sans savoir pourquoi, ni où elles vont. Et peu importe, pourvu qu'elles volent ». Le choc a eu lieu. Jusqu'à sa rencontre avec le théâtre, ce monsieur complet-cravate voyait le monde en gris. Tout, maintenant, l'émerveille et c'est à travers la lentille de Tchekhov que le monde retrouve ses couleurs et surtout son rythme. Dans une succession de scènes où la réalité, le rêve et le théâtre enchâssé se confon-dent dans d'étonnantes et belles transpositions, Lentement la beauté r é v è le, par couches successives, le bouleversement des sens causé par une expérience artistique profonde. M. L'Homme n'est plus l'homme gris du début. Il est maintenant disponible à l'ouverture, à l'écoute et surtout à la beauté. Exemple saisissant de narrativité postdramatique. Il faut remercier les éditions L'instant même d'avoir réuni en un volume la nouvelle génératrice, la pièce elle-même et un texte de Gilles Pellerin qui raconte la genèse de ce grand spectacle collectif.

Lanct...

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