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Reviewed by:
  • Quatre mille marches. Essais
  • Josiane Ip (bio)
Ying Chen, Quatre mille marches. EssaisMontréal, Boréal, coll. papiers collés, 127 p., 17,95$

Essentiellement reconnue comme romancière, Ying Chen propose cette fois quelque chose de différent : un recueil d'essais (treize au total) rédigés entre 1994 et 2003 dont le style limpide, tout empreint de poésie, révèle une écriture polyvalente qui, à travers le mélange des genres, signifie son refus de se limiter à un seul type de littérature. Vers la fin du recueil, dans « Le champ dans la mer », Chen exprime sa méfiance envers toute forme de distinction et formule le souhait suivant: «je préfère être considérée comme écrivain plutôt que comme romancière».

L'originalité de ce recueil réside dans sa thématique multiforme qui adopte tantôt le mode du journal, tantôt celui de l'interrogation ou de la lettre pour établir un dialogue constant entre l'instance de narration et ses interlocuteurs. À travers un langage simple et dépouillé à l'extrême, le je-narrateur aborde sans détour une série de questionnements et de réflexions sur des thèmes aussi complexes que l'immigration, l'exil, l'identité ou le patriotisme. À la différence de ses premiers romans qui, d'emblée, étaient classés dans la catégorie des écritures migrantes, Quatre mille marches semble déborder le cadre d'une telle typologie.

C'est la question de l'écriture qui, désormais, occupe le centre du discours: « Le vrai sujet c'est l'écriture ». Pourquoi écrire ou pourquoi ne pas écrire ? Dans un même temps, la réflexion aborde la question de la langue d'écriture : pourquoi, et surtout, comment écrire dans une langue seconde, une langue autre que sa langue maternelle?

Le « Carnet de voyage en Chine » raconte le retour de la narratrice à Shanghai après huit ans d'absence. Elle nous fait découvrir les différents coins de sa ville natale tout en s'interrogeant sur sa passion pour les langues, maternelle et étrangères. L'écriture dans une langue « étrangère » nécessite une ascèse des plus rigoureuses qui fait penser au mythe de Sisyphe ou à l'escalade des « Quatre mille marches dans la "montagne jaune" » (titre de la dernière partie du « Carnet de voyage en Chine »). Elle est une perpétuelle leçon d'humilité où « le moi perd son importance ».

Objet d'un véritable culte, l'amour des mots a remplacé celui de la patrie. Habituée à peser ses mots, Chen s'interroge sur la « signification réelle » de concepts tels que racine, origine, patrie, Orient, Occident. Même la notion de pays n'a plus qu'une signification « pragmatique » : « c'est devenu une question purement linguistique ». Ce qui est réel ou ce qui la touche de près, c'est le regard de ses parents; c'est là, seulement, qu'elle retrouve ses racines ou ses origines. Celles-ci ne sont ni les valeurs confucéennes ou taoïstes , ni « la poésie de la dynastie Song » car, dans ce cas, « il faudrait également y inclure Shakespeare, Racine, Kafka, Camus, Koltès, et bien d'autres ». [End Page 548]

Le leitmotiv « l'odeur de l'eau est partout la même » ne cesse de rappeler que l'ici et l'ailleurs finissent par se ressembler. Pour Chen, il s'agit donc de trouver « l'espace intérieur », même si « sa propre identité est perpétuellement en devenir ». Dans le dernier essai, « En tant que moi », Ying Chen souligne l'importance de la « spécificité individuelle », plus indispensable à la littérature « que celle dite des civilisations ». Pour l'écrivain, « il n'y a qu'une littérature, même si elle est écrite dans beaucoup de langues ». Dialogue entre les individus, la littérature n'admet pas les jugements de valeur « à partir d'informations de seconde main ». Plus que tout, elle se méfie de l'exotisme dont le « charme faux » provient lui aussi d'un manque d'informations, d'une forme d'ignorance.

À l'exception du carnet de voyage...

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