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University of Toronto Quarterly 74.1 (2004/2005) 88-90



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François Paré, La distance habitée. Essai. Ottawa, le Nordir, 277 p., 25$

François Paré doit une bonne part de sa notoriété à l'heureux concept de « littératures de l'exiguïté », développé dans l'ouvrage du même nom, paru en 1995, et dans Théories de la fragilité, publié en 1992. Rarement concept aura-t-il eu une telle influence sur le destin de l'objet qu'il entendait éclairer. Aujourd'hui, les petites littératures que Paré cherchait à légitimer sont enseignées dans maints départements d'études littéraires sous le nom que cet auteur leur a donné; sans compter qu'un nombre important de travaux sur ces littératures continue de s'inspirer de la pensée de Paré.

Son livre le plus récent, La distance habitée, se situe en continuité avec sa réflexion sur les littératures de l'exiguïté. Mais en même temps, il représente une évolution considérable par rapport à cette réflexion, dont il bouleverse plusieurs présupposés. En effet, dans ses ouvrages précédents, Paré faisait sienne la pensée cataclysmique à partir de laquelle le discours social franco-ontarien tend à appréhender la condition minoritaire. Or, dans La distance habitée, Paré choisit d'envisager les choses sous un autre angle. Il s'interroge désormais sur les stratégies d'accommodement propres aux cultures de l'exiguïté, et refuse d'en faire des signes de capitulation :

Partout, en dépit du discours des élites politiques et culturelles, les sociétés minoritaires refusent tacitement d'adopter de façon claire des dispositions de résistance. Partout, ces sociétés gèrent du mieux qu'elles le peuvent les conditions de leur existence-charnière au périmètre des cultures dominantes.

Or l'angoisse de la fin n'est qu'une face de ce qui structure les contacts interculturels et les migrations. Des courants plus positifs sont aussi à l'œuvre.

Afin de sonder de tels courants, Paré fait appel aux notions d'accommodement, de créolisation, d'itinérance et de diaspora. Il cherche ainsi à capter les métamorphoses qui frappent les cultures de l'exiguïté - métamorphoses dont ces cultures sont les instigatrices ingénieuses aussi bien que le résultat ambivalent. Plutôt que de faire des marges, où les cultures minoritaires sont situées, le lieu de dénuement qu'il avait évoqué dans ses ouvrages précédents, Paré en sonde ici l'habitabilité foisonnante. À l'image de cette ouverture, sa réflexion s'alimente à de vastes sources. Elle puise dans les littératures tant africaines et antillaises qu'acadienne et franco-ontarienne; elle emprunte à des penseurs de l'hybridité aussi variés [End Page 88] que James Clifford, Édouard Glissant, Abdelkébir Khatibi et Fernand Dumont.

À première vue, la réflexion de Paré semble délaisser le nationalisme identitaire caractéristique des revendications des minorités francophones au Canada, au profit d'une célébration de l'hybridité culturelle telle qu'on en trouve la manifestation dans la pensée postcoloniale actuelle. Chez Homi Bhabha, par exemple, l'hybridation constitue un mode de survie plutôt que de dissolution des groupes minoritaires, en même temps qu'elle est le moyen par lequel toute culture se renouvelle (The Location of Culture, 1994). Paré abonde dans le même sens, affirmant que « la régénération de la culture minoritaire viendra d'une sollicitation renouvelée des voix les plus vulnérables dans la société dominante et des pratiques implicites et explicites de l'itinérance, celles même qui assurent l'ouverture sur la différence et la transfiguration ».

Pourtant, on aurait tort de voir dans La distance habitée une application aux littératures francophones de l'approche postcoloniale de l'hybridité culturelle. Car Paré...

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