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  • Écrire dans la maison du père. L’émergence du féminin dans la tradition littéraire du Québec. Essai
  • Lucie Joubert (bio)
Patricia Smart, Écrire dans la maison du père. L’émergence du féminin dans la tradition littéraire du Québec. Essai Montréal, XYZ éditeur, coll. Documents poche, [1988], 376 p., 20$

Il y a des rééditions qui s'imposent. C'est le cas pour cet essai de Patricia Smart, couronné en 1988 par un prix du Gouverneur général qui avait légitimé en quelque sorte la relecture au féminin de la littérature québécoise. Dans le sillage de la regrettée Suzanne Lamy, Smart offrait alors une analyse radicalement différente, affirmant un parti pris qu'allaient ensuite reconduire plusieurs universitaires (Lori Saint-Martin et Louise Dupré entre autres) et qui trouve encore de nombreux échos dans la pensée littéraire actuelle.

Car l'essai, et ce n'est pas la moindre de ses qualités, surmonte admirablement l'épreuve du temps. C'est un exploit en soi lorsque l'on prend en compte la rapidité avec laquelle évolue tout ce qui a trait à l'écriture des femmes : discussions sur la différence entre écriture féministe, féminine, au féminin, sur la notion de généricité (mot que Smart a mis elle-même à l'ordre du jour pour traduire gender), et, plus récemment, réflexions sur le décloisonnement des genres sexuels ainsi que sur le nouvel intérêt des femmes pour l'écriture masculine.

En effet, les « traces d'un meurtre » sur lesquelles s'ouvre l'essai conduisent toujours à la même conclusion : c'est sous la plume féminine que la femme, sujet et non plus objet, s'est mise à exister. Les lectures que propose Smart de plusieurs « classiques » québécois en fournissent des preuves qui tiennent toujours la route. Au sujet d'Aquin dans Neige noire, par exemple, auteur fétiche auquel elle avait consacré une grande partie de sa thèse de doctorat, elle écrit qu'il « confronte lucidement l'émergence de la femme-sujet et constate l'impasse que représente cette émergence ». Relecture choc même pour Smart, qui relève, presque avec étonnement dirait-on, toutes les manifestations de l'écart entre l'écriture des femmes et des [End Page 80] hommes, écart qui pourrait se résumer dans le passage suivant : « Immobiliser la femme : le but de son histoire à lui. Échapper à l'immobilité : le dé/but de son histoire à elle ». Œuvre à relire, donc, pour mesurer l'évolution de la littérature québécoise tant masculine que féminine : fait-elle place volontiers maintenant à la femme-sujet ? C'est à voir.

Lucie Joubert

Lucie Joubert, Département des lettres françaises, Université d’Ottawa

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