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Reviewed by:
  • Balzac, la duchesse et l’idole. Poétique du corps aristocratique
  • Jean-Dominique Goffette
Labouret-Grare, Mireille. Balzac, la duchesse et l’idole. Poétique du corps aristocratique. Paris: Champion, Collection Romantisme et Modernités n°43, 2002. Pp. 495. ISBN2-7453-0452-6

Le sous-titre de l'ouvrage, divisé en trois parties, définit bien le projet de l'auteur qui, étudiant les façons de dire ou de ne pas dire le corps aristocratique, propose une lecture originale des mécanismes de la création romanesque balzacienne.

Dans la première partie, l'auteur passe en revue les différentes procédures de mise en forme de la morphologie et de la physionomie du corps aristocratique qu'il assimile à une passerelle entre nature et culture. Les chapitres consacrés à la toilette attestent ainsi sans ambiguïté le caractère éminemment social et culturel de ce corps qui est le lieu d'une transformation ininterrompue. Fruit d'un travail constant, il vise à transcender la nature. Soumis à des normes socialement définies où se réfractent les valeurs d'une caste et d'une époque, les rituels théâtralisés de l'aristocrate balzacienne révèlent les contraintes du costume qui se marquent sur les corps et façonnent les images données à voir et à désirer. Créant de la sorte un véritable effet de nature, le paradis des apparences affirme la puissance d'une véritable esthétique qui contribue à promouvoir le modèle d'un corps absolu. Blason et emblème, il s'érige en pôle de référence pour les autres femmes de La Comédiehumaine qui s'évaluent en fonction de lui. Toutefois, marqué du sceau de la division, nature-culture, le corps aristo-cratique nous est finalement dévoilé, dans un langage symbolique associé au nom et à l'œuvre de Gaston Bachelard, comme le réceptacle des luttes entre les éléments premiers - eau, terre, feu et air - à travers lesquelles se laisse entendre l'être profond et authentique d'une nature féminine douée de métamorphoses.

Dans la seconde partie, le propos met en perspective les effets de cette division qui structure les représentations des différentes catégories de femmes aristocrates. L'analyse des métaphores angéliques et animales, qui les désignent et dans lesquelles se retrouve l'adage de Pascal, met l'accent sur la dualité de ces femmes d'apparences. Vertueuses ou pécheresses, entretenant un rapport, souvent difficile avec leur corps, lieu d'un manque et d'un désir parfois funeste, les grandes héroïnes aristocrates apparaissent, dans une série de commentaires riches d'aperçus, comme des êtres complexes qui oscillent entre angélisme et satanisme. À ce titre, les pages consacrées à Diane de Maufrigneuse et à Lady Dudley illustrent très clairement les ambiguïtés du combat entre ces deux ordres. Façon pour l'auteur de souligner le statut particulier des tropes balzaciens. D'où il suit que les métaphores angéliques et animales, qu'il faut bien entendu exclure du registre de la simple ornementation, traduisent la scission de [End Page 193] la femme en deux volumes où s'abolit la frontière entre la grande dame et la courtisane, incarnation de la femme sensuelle et tentatrice.

Dans la dernière partie de son ouvrage, l'auteur tire les conséquences des fractures que ses analyses ont introduites. De ce point de vue, est primordial le jeu des échanges de caractéristiques d'un corps romanesque à un autre qui, brouillant les règles de la convenance, contient une remise en cause de l'appréhension strictement autonome et synchronique du portrait aristocratique, le modèle du suprême bon ton d'une société travaillée par les distinctions bourgeoises. Du coup, ouvert à l'ensemble des figures du texte romanesque, ressaisit dans le langage du corps et des fonctions qui l'animent, le portrait féminin éclate. Et il nous est donc proposé de le lire comme étant toujours la représentation d'un corps qui, lieu d'un défaut, d'un manque, d'une déchirure, assure...

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