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Reviewed by:
  • La culture française vue d’ici et d’ailleurs
  • Catherine Dana
Thomas C. Spear, ed. La culture française vue d’ici et d’ailleurs. Préface d’Edouard Glissant et postface de Maryse Condé. Paris: Karthala, 2002. 259 pp.

Ce livre a un double projet: d'une part, poser la question de ce qu'est la francophonie et ce que c'est qu'être francophone. Pour ce faire, il interroge les liens entre culture et identité, identité et nationalité. D'autre part, et il faut comprendre ce deuxième but comme complémentaire, voire polémique par rapport au premier, il souhaite rassembler des voix pour exposer "une vison plurielle et composite de la culture française," "malgré le manque d'envie de la France de se faire métisser par sa propre francophonie" (17 ). Les treize textes qui composent l'ouvrage sont donc autobiographiques, ils témoignent de la "question francophone" de l'intérieur, à travers une expérience personnelle. Dire "je," nous rappelle Spear dans son introduction, est un défi car "le personnel est politique" et, effectivement, le bilan des traces qu'ont laissées en chacun des auteurs la langue, la culture et l'éducation françaises est un parcours politique vu par le petit bout de la lorgnette. C'est aussi un parcours politique que font ces "je" qui se demandent si le "je" francophone est possesseur d'une voix particulière.

Il y a quelque chose à'émouvant d'entendre le son de ces voix ventriloques, cachées de coutume derrière des personnages, ou des auteurs. On entend soudain la fragilité et la force de cette situation de francophone [End Page 130] , l'angoisse et la sérénité des porteurs d'une culture française, ici et ailleurs. Car les auteurs de ces treize textes ne sont pas le tout un chacun francophone: professeurs de littérature ou plus largement de "cultural studies," écrivains, ils ont l'habitude de penser ces questions qui, de fait, tissent leurs vies et, lorsqu'ils prennent la plume pour s'en entretenir, on sent que, pour ces "bâtards mondiaux," cela est comme une délivrance, comme le montre discrètement le récit de Maryse Condé.

Les auteurs se partagent en deux groupes. Dans le premier, les six auteurs (la Béninoise Irène Assiba d'Almeida, le Guinéen Manthia Diawara, l'Italo-Egyptienne Marlène Barsoum, Elisabeth Mudimbe-Boyi la Congolaise, André Ntonfo du Cameroun, et François Paré le Québécois) ont comme point commun d'avoir le français comme première langue d'instruction et discutent de la question de l'acculturation des Francophones hors de la France. Les sept derniers auteurs, eux, (Joëlle Vitiello, Patricia-Pia Célérier, Martine A. Loftu, Mireille Rosello, Alec G. Hargreaves, Gisèle Pineau et Malek Chébel) "discutent de l'espace hexagonal et de la nation française, de l'exil en France ou hors de France."

Malgré l'originalité de l'expérience personnelle, c'est-à-dire les traces qu'ont laissées sur chaque auteur la langue, la culture et l'éducation française, "les couches d'une identité propre à la langue française," il y a un côté un peu répétitif de la réflexion: il est vrai que "ensemble, les auteurs formulent une définition multiple de la culture française," mais ils formulent aussi des remarques et des critiques assez convergentes. Ou pour reprendre le terme de Spear, le "désamour," est assez unifié. Ce livre, qui devait s'intituler "pollution culturelle française," insiste plus qu'il ne l'avoue sur les effets négatifs, "polluants" de la culture française.

Les problèmes dont témoignent les auteurs gravitent autour de deux ou trois points principaux. La francophonie officielle s'efforce de ne privilégier que le français, réprimant les particularismes ou ne reconnaissant pas suffisamment la pluralité. Une francophonie à sens unique, donc, encourageant une unicité ou une "uniculture" qui, paradoxalement, empêche la culture française de récolter toute sa richesse. André Ntonfo montre comment la francophonie du sud est marginalisée par...

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