University of Toronto Press
Glenn Moulaison - La «problematique» de l'alterite dans l'Ouest francophone: la «culture mere» dans La Foret de Georges Bugnet et la «culture soeur» dans Cantique des plaines de Nancy Huston - Francophonies d'Amerique 17 Francophonies d'Amerique 17 (2004) 141-146

La «problématique» De L'altérité Dans L'ouest Francophone:

la «culture mere» dans la Foret de Georges Bugnet et la «culture sœur» dans Cantique des plaines de Nancy Huston

[Erratum]
«[...] juste la toucher, l'effleurer, sans lui donner de structure définitive».
Julia Kristeva, Étrangers à nous-mêmes1

Au sein des cultures canadiennes d'expression française, il fut un temps où la «problématique de l'identité» se trouvait au cœur des recherches et à la page-titre des actes de plus d'un colloque portant sur la littérature: identité individuelle, identité culturelle, identité sexuelle, identité sociale - mais surtout, identité du phénomène littéraire lui-même en tant que représentation symbolique del'autonomie, ou de la singularité, de la communauté source. L'exploration de l'«acadianité» de la littérature des Provinces maritimes ou de l'«orignalitude» de celle du Nord ontarien, par exemple, reflétait et appuyait l'affirmation sinon nationale du moins collective de cultures qui cherchaient à se construire malgré leur «exiguïté». Depuis quelques années, à cette première «problématique» s'est ajoutée, voire substituée une deuxième, celle de l'«altérité», et, d'un point de vue sociologique, d'aucuns diraient que cela découle de la reconnaissance d'une tragédie - qu'une culture ne peut s'engendrer elle-même:

Voilà que ces collectivités [minorités francophones canadiennes] ont bien souvent fini par affirmer, assez tragiquement, [...] leur incapa- cité fondamentale à exister dans la différence. Autant les membres de ces collectivités ont pu être convaincus au cours des 30 dernières années d'appartenir véritablement à un imaginaire singulier, autant l'expérience quotidienne de la vie collective semblait plutôt les dissocier de cette affirmation .
(Paré, 1999, p.498)

Dans la «modernité nord-américaine», qui se caractérise par un ensemble de «jeux de pouvoirs associés à la circulation des images» (p.499), où se chevauchent minorités culturelles et de multiples expressions de l'Autre, l'«ontogenèse» serait une impossibilité, un mythe. En conséquence, depuis ce constat, un des objectifs de la critique littéraire dans ce domaine est d'examiner l'«identité» des petites littératures canadiennes-françaises dans la mesure où elles sont en rapport constant avec toute forme d'«altérité».

Il est évident que cela a ouvert de nouveaux terrains aux chercheurs. À l'Université de Moncton, par exemple, le programme de la nouvelle Chaire de recherche du Canada en analyse littéraire interculturelle et du Groupe de recherche interdisciplinaire sur les cultures en contact (GRICC) vise l'exploration du phénomène littéraire [End Page 141] canadien-français en portant un regard sur les éléments «exogènes» qui y figurent: emprunts, transferts, représentations des cultures «autres», et ainsi de suite2 . Inévitablement, la recherche dans ce domaine met l'accent sur les corpus québécois et acadien d'abord et avant tout, ensuite sur l'ontarien, les plus étendus et, traditionnellement, les mieux étudiés. Le corpus de l'Ouest, quant à lui, ne semble pas encore attirer l'attention soutenue des chercheurs, exception faite de l'œuvre de Gabrielle Roy, qui est pour l'Ouest ce qu'Antonine Maillet était autrefois pour l'Acadie, une vitre dont l'éclat ne permet pas toujours de voir ce qu'il peut y avoir de l'autre côté. Pourtant, ne pourrait-on pas affirmer que l'Ouest constitue effectivement un terrain privilégié pour ce genre de recherche - en «altérité»? En fait, dans la mesure où la nature disparate de la communauté francophone, issue de plusieurs vagues d'immigration, l'hétérogénéité de l'espace (les Prairies, les Rocheuses, le Grand Nord) et la pluralité des «autres» communautés (Autochtones, Anglais, Allemands, Hollandais, Mennonites, Hutterites, etc.) ont pu nuire au développement d'une «identité» franco- ouestienne homogène, il nous paraît évident que l'analyse de la production littéraire de l'Ouest francophone bénéficierait de l'apport d'une telle approche, qu'elle semble tout simplement inviter. C'est pourquoi, dans ce bref article, nous proposons d'examiner une forme particulière d'«altérité» dans deux exemples franco-albertains du corpus de l'Ouest, La forêt de Georges Bugnet et Cantique des plaines de Nancy Huston. Nous allons aborder dans le premier roman la question de la représentation de la «culture mère» - celle de la France - et dans le deuxième, la représentation d'une «culture sœur» - celle des Premières nations.

La forêt et la culture «douce»

Dans La forêt, publié en 1935, Georges Bugnet raconte une histoire qui ressemble sans doute à la vie qu'il avait lui-même vécue. Venu de Bourgogne au Canada en 1904, il s'établit avec sa femme au nord-ouest d'Edmonton sur une terre vierge qu'il allait cultiver pendant une quarantaine d'années. Comme Roger Bourgouin, l'un des personnages principaux du roman, Bugnet était d'origine bourgeoise, «cultivé et talentueux, tenté par le journalisme, [Ö] mais irrésistiblement attiré par le Canada, pays neuf, et par la vie primitive» (Saint-Pierre, p. 65). Mort à l'âge avancé de cent deux ans, cependant, il réussit à faire ce que son double fictif ne put faire: passer toute sa vie dans la «forêt» sauvage de l'Alberta. Bugnet, qui n'est jamais rentré en France (à la différence de son contemporain notable Constantin-Weyer, qui quitta le Manitoba après une dizaine d'années), joua un rôle actif dans la communauté française en Alberta, même si son œuvre littéraire resta peu connue de son vivant; il fit du journalisme, s'intéressa à l'éducation des siens. En 1970, il fut reçu chevalier des Palmes académiques par le gouvernement français.

Jean Papen, l'auteur de l'étude la plus importante consacrée à Bugnet (1985), fait valoir que l'objectif du roman était de

présenter un tableau de la colonisation de l'Ouest canadien, avec l'intention de livrer toute la vérité sur la vie rude des pionniers. [L']expérience personnelle [de Bugnet], son amour de la nature canadienne, sa connaissance intime de nombreux drames vécus par des colons inaptes à supporter le climat et les tâches trop lourdes, toutes ces données lui permettaient de composer une œuvre riche de réalisme et de densité humaine, tout en ménageant cette poésie grandiose qu'inspire la nature canadienne. [End Page 142]
(1978, p.513)

Certes, la lecture de La forêt nous rend évidentes à la fois l'intention et la sensibilité d'un auteur sur qui la nature canadienne exerça une fascination énorme, particulièrement en rapport avec le rôle de l'être humain qui essaie de l'habiter ou de la maîtriser. Mais ce qui est aussi évident - et paradoxalement -, c'est la place que semble toujours occuper la «douce France» dans la conscience de Bugnet. On verra que malgré l'«altérité» de cette culture vis-à-vis la «forêt» albertaine, c'est effectivement cette dernière qui devient l'«Autre».

La forêt se lit comme un roman de la terre avec de forts accents de réalisme. Il s'agit de l'histoire de Roger et Louise Bourgouin, un jeune couple qui quitte la France afin de s'établir (voire s'enrichir) dans le Nord de l'Alberta. Ayant acheté une terre de cent soixante arpents dont la majorité sont couverts d'une ancienne forêt vierge, Roger souhaite faire fortune dans l'espace de quelques années, puis rentrer en France: «En deux ou trois ans nous aurons ici une propriété superbe. Dans dix ans nous aurons fait fortune et nous retournerons en France3 » (p. 28). Les Bourgouin arrivent sur leur terre avec peu d'argent et avec encore moins d'expérience. Homme de ville, Roger ne sait même pas manier la hache. Mais il se montre un étudiant assidu et, grâce à l'aide du voisin, M.Roy, il devient rapidement un véritable homme des bois, ce qui ne l'empêche pas de se trouver dans la misère faute d'expérience. Il enlève tous les arbres qui poussaient à l'ouest de la maison, par exemple, éliminant tout abri contre les vents d'hiver. Il révèle son incompétence encore une fois en construisant une étable du côté du vent, remplissant ainsi la maison de mouches et d'odeurs de fumier, ce qui rend la situation domestique presque intolérable pour Louise.

La représentation de la «culture mère», la France natale des personnages (et de l'auteur), entre en jeu dans ce roman au moment où la difficulté de vivre dans ce pays inhospitalier qu'est le Nord de l'Alberta se fait de plus en plus sentir, surtout chez Louise, qui se trouve souvent seule à la maison alors que Roger passe la journée à défricher la terre. Alors que la «forêt» est pour celle-ci une «muette et sinistre force, accroupie là-bas dans l'ombre, et qui attendait une proie» (p. 70), la France représente la civilisation, la culture, la sécurité et la familiarité, bref l'«identité»: «Nous n'aurions pas dû venir nous établir si loin du monde» (p. 25). L'arrivée en Alberta est comme une chute, la descente d'un niveau d'existence supérieur à un niveau d'existence inférieur auquel on a l'impression de ne même pas appartenir: «comme pour quelqu'un qui est entré là où il ne devrait pas entrer, comme si nous étions venus faire ici des choses que nous ne devions pas faire, comme si cette terre voulait nous résister» (p. 158). Même sur le plan purement corporel, il y a évidence d'une descente, d'une chute. Louise trouve que son mari, par exemple, autrefois (c'est-à-dire en France) raffiné de geste et de manière, devient de plus en plus grossier. Il ne se rase plus, et il cesse de se nettoyer comme il faut après avoir passé la journée à travailler dans la forêt. Elle le lui reproche souvent: «Tu deviens de plus en plus négligent, Roger. Si tes habits se salissent, tu ne t'en soucies plus. Tu laisses pousser ta barbe plusieurs jours de suite. [Ö] Hier, je t'ai entendu t'emporter contre tes chevaux, crier et jurer comme un vrai charretier» (p.83). Plus le temps passe, sous l'effet de la «forêt», plus l'identité devient dénaturée.

Mais la France est pour les Bourgouin plus qu'un autrefois, la douce mère patrie à laquelle on rêve quand la vie du présent est dure. On a vu que l'objectif de Roger est de faire fortune en Alberta dans l'espace d'une dizaine d'années puis de rentrer: «Ton père [dit-il à Louise] n'aura plus honte de moi» (p.28). Autrement dit, la France est le lieu d'une sanction. Le travail que fait Roger au Canada, aussi réel ou aussi difficile soit-il, ne reçoit sa pleine signification que dans le pays d'origine. Et malheureusement, [End Page 143] la sanction n'aura pas lieu, car, l'esprit vaincu par les difficultés reliées au travail du sol, ayant perdu un fils par noyade, les Bourgouin renoncent à leurs terres, vendent tout et quittent la forêt qui leur a coûté si cher.

Cantique des plaines et la culture «à admirer»

Comme dans La forêt, il y a un élément autobiographique important dans Cantique des plaines. Nancy Huston, née à Calgary en 1953 et abandonnée par sa mère six ans plus tard, quitta l'Amérique à l'âge de vingt ans pour s'établir définitivement en France après des études aux États-Unis. Étudiante à l'École des hautes études en sciences sociales à Paris, elle fut formée par les chefs de file du structuralisme, dont Roland Barthes. Elle finit par renoncer à sa patrie, l'Alberta, de même qu'à sa langue maternelle, et décida d'écrire seulement en français: Cantique des plaines, publié en 19934 , dont le cadre est l'Alberta, représente la première fois que l'auteure revient à son pays d'origine dans une œuvre de fiction.

Cantique des plaines est l'histoire de Paddon, grand-père de la narratrice, Paula, une jeune femme qui habite à Montréal. Le père de Paddon, John Sterling, est venu d'Irlande au Canada avec son frère Jake, en 1897, pour se joindre à la ruée vers l'or. À un bal à Calgary, John rencontre Mildred: Paddon est conçu ce soir-là dans un banc de neige, et John et Mildred se marient peu après. John veut que son fils soit cowboy mais, en grandissant, Paddon préfère lire et jouer du piano. Il fuit le plus tôt possible les rages violentes de son père et se trouve à l'Université de l'Alberta à Edmonton, où il étudie la philosophie. Épaté par le monde des idées, Paddon nourrit des ambitions de faire un doctorat. Tout change pour lui, néanmoins, lorsqu'il rentre à Calgary pour aider sa mère après la mort de son père. Il rencontre Karen, qu'il épousera. Il renonce à sa thèse et à ses études et prend un emploi comme professeur de lycée à Calgary. D'abord, il se croit content: il a une femme qu'il aime et qui l'aime, et un petit garçon, Frankie. Mais bientôt il commence à vouloir reprendre sa thèse. Il demande un an de congé et essaie de terminer son livre. Malheureusement, il ne retrouve pas ses idées d'autrefois, et son année de congé lui échappe sans le moindre progrès. Déprimé, il se retire de plus en plus de sa femme et de ses enfants.

C'est à ce point de l'intrigue que l'on rencontre la «culture sœur», dans la personne de Miranda. Paddon rencontre Miranda à l'épicerie un samedi, une rencontre qui déclenche une liaison qui va durer plus d'une dizaine d'années. Miranda est autochtone, son père étant le petit-neveu du grand chef Crowfoot, et sa mère, «le résultat d'un viol d'une Sarci par un blanc5 » (p.64). Artiste, elle révèle à Paddon un monde tout à fait différent de celui qu'il avait connu jusque-là. Elle lui raconte les légendes Blackfoot, histoires qui lui semblent tellement plus élégantes et plus puissantes que les histoires chrétiennes de son enfance. En plus, elle parle de l'histoire de l'Ouest selon le point de vue des Autochtones - de la duplicité du gouvernement et des bonnes intentions des missionnaires qui ont néanmoins contribué à la destruction du mode de vie traditionnel des Blackfoot. Grâce à Miranda, Paddon est capable de trouver refuge hors du monde puritain et stérile qui l'emprisonne depuis longtemps. Il découvre que l'esprit créateur de Miranda (elle est peintre) a créé pour lui un espace où vivre à l'aise. Malheureusement, et peut-être ironiquement, Miranda est atteinte d'une étrange maladie qui lui enlève la sensation. Cette dégradation de son système nerveux va finalement l'emporter, et Paddon se retrouve encore une fois dans un monde où il demeure un étranger. [End Page 144]

Il n'est pas difficile de voir dans ce portrait de Miranda, dont le seul nom est plein de sens (miranda en latin signifie «à admirer», «admirable»), une représentation assez romantique de la culture autochtone, qui se rapproche même du mythe du bon sauvage. En fait, même la noblesse y est: l'ancêtre de Miranda est un grand chef; et une drôle de mort nous la rend encore plus sympathique6 . La critique a déjà noté le «discours psychobiographique» dans l'écriture de Huston7 , et on peut facilement voir dans le personnage de Miranda le portrait de l'artiste albertaine dont la culture est autre qu'anglo-saxonne.

Cependant, ce qui sauve ce roman d'une telle lecture et le personnage de Miranda d'une telle interprétation stéréotypée est le fait que Cantique des plaines exploite une technique narrative assez raffinée. L'histoire est racontée par Paula, la petite-fille de Paddon. Après la mort de son grand-père Paddon, sa grand-mère lui envoie une enveloppe qui contient les écrits - en effet une collection de ratures et de pensées quasi incompréhensibles - qui représentent les efforts du grand-père pour rédiger un livre au sujet de la nature du temps. Paula commence à lire ces écrits, et s'inspirant des fragments de texte que Paddon lui a laissés, elle commence à reconstruire la vie de son grand-père, dans une série de morceaux entrelacés. Cette reconstruction commence avec la mort de Paddon, et finit, à la dernière page du roman, avec sa conception à elle. Entre ces deux événements, Paula se refait la vie entière de son «Papie», choisissant des morceaux ici et là pour enfin compléter un tableau plus ou moins vraisemblable. En effet, les événements de la vie de Paddon nous sont relatés avec de tels détails qu'on se demande parfois si Paula n'en invente pas afin de nous faire croire à sa version de l'histoire. Comment réussit-elle à reconstruire cette histoire, si elle n'a eu que ces ratures indéchiffrables de Paddon comme source? Même Paula ne réussit pas toujours à croire à son propre récit, ou bien elle ne veut pas y croire. Par exemple, après avoir décrit la violence avec laquelle le père de Paddon a attaqué sa mère lorsqu'elle lui a dit qu'elle était enceinte, Paula intervient: «[...] la frappant encore et encore au ventre de la pointe de sa botte, l'as-tu réellement vu Paddon?» (p.89). On rencontre ici la question de la vérité, qui se pose tout au long du texte : la fiction est-elle une biographie (aussi fictive soit-elle), ou bien la biographie est-elle une simple fiction?

Alors, comme la narratrice qui doit essayer de reconstruire l'histoire d'une vie à partir de débris, ou d'écrits, qui ne sont pas nécessairement fidèles à la vérité, ne devons-nous pas comme lecteurs et lectrices remettre en question la fidélité d'une représentation comme celle de Miranda? L'auteure n'est-elle pas notre Paddon, qui nous envoie des fragments de texte que nous devons par la suite interpréter? En comparaison de la représentation de la «culture mère» dansLa forêt,celle de la «culture sœur» dans ce roman est bien plus complexe. Dans la mesure où l'on nous y invite effectivement à interroger la représentation de Miranda, nous devons, comme Paula, nous interroger sur la nature même de toute représentation.

Conclusion

Évidemment, La forêt (1935) et Cantique des plaines (1993) appartiennent à deux époques différentes, et leurs auteurs, à deux «écoles» différentes, si l'on peut parler ainsi. Forcément, le roman d'un immigrant aux convictions de missionnaire, rappelant celles d'un Félix-Antoine Savard, ne ressemblera pas à celui d'une émigrée aux techniques littéraires très raffinées. On ne peut pas traiter de la même manière la «représentation» là où il y a tant d'écarts, surtout sur le plan de la forme. D'ailleurs, si on voulait élargir l'exploration de ce concept à d'autres auteurs de l'Ouest, de Maurice [End Page 145] Constantin-Weyer à Annette Saint-Pierre en passant par Marguerite-A. Primeau, on verrait sans doute entre eux, de même, plus de différences que d'affinités. Et pourtant, ce que ces deux romans nous suggèrent même après un aperçu très bref, et ce qu'ils partagent avec d'autres romans de l'Ouest francophone, c'est effectivement l'importance du rôle qu'y joue l'«altérité» dans l'absence d'une «identité» franco-ouestienne homogène. Nous ne savons pas si ce phénomène est «la forme symbolisée de la dépossession et du désir intense de mourir à l'Autre», qui caractérise la littérature des «cultures dominées»8 . Mais nous savons que, par rapport aux autres cultures canadiennes d'expression française, c'est cette altérité qui donne à la production littéraire de l'Ouest sa singularité, son «identité».

Endnotes

1. Kristeva est en train de parler de la définition de l'«autre», p.11.

2. Voir le site Web <Default_XREF_styleREFwww.umoncton.ca/fass/def/crcl>.

3. Nous utilisons l'édition des Éditions TYPO (Montréal), 1993. Désormais, la pagination sera directement incluse dans le texte.

4. On connaît l'histoire de la publication de ce roman, un peu mouvementée. D'abord écrit en anglais (Plainsong), il est réécrit en français, et les deux versions sont publiées la même année. La version française reçoit le prix du Gouverneur général, ce qui fait scandale chez certains éditeurs québécois.

5. Nous utilisons l'édition Actes Sud/Leméac (Arles et Montréal), 1993. Désormais, la pagination sera directement incluse dans le texte.

6. Doit-on voir dans cette mort d'une Autochtone dans la compagnie de Paddon l'allégorie du sort des Premières nations aux mains des Européens? Rappelons que l'époux de Huston, Tzvetan Todorov, est l'auteur d'un des classiques de la littérature de l'«autre», La conquête de l'Amérique: la question de l'autre, Paris, Seuil, 1982, 278 p., qui raconte les premiers contacts entre Européens et Autochtones de l'Amérique.

7. Voir Pamela V. Sing, 2001, p.737-751.

8. «Mais il est clair que, dans toutes les cultures dominées, les rapports avec l'Autre déterminent l'identité, qu'ils ne peuvent être facilement distingués de la littérature, et qu'ils prennent, dans ce contexte de la littérature, la forme symbolisée de la dépossession et du désir intense de mourir à l'Autre.» François Paré, Les littératures de l'exiguïté: essai, préface de Robert Major, Ottawa, Le Nordir, 2001, p.106-107.

Bibliographie

Bugnet, Georges (1993), La forêt, Montréal, Éditions TYPO.

Huston, Nancy (1993), Cantique des plaines, Arles, Actes Sud; Montréal, Leméac.

Kristeva, Julia (1988), Étrangers à nous-mêmes, [Paris], Fayard.

Papen, Jean (1985), Georges Bugnet, homme de lettres canadien, Saint-Boniface, Éditions des Plaines, 230p.

Papen, Jean (1978), «La forêt», dans Maurice Lemireet al., Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome II, 1900-1939, Montréal, Fides, p. 513-516.

Paré, François (1999), «Vers un discours de l'irrémédiable: les cultures francophones minoritaires au Canada», dans Joseph Yvon Thériault (dir.), Francophonies minoritaires au Canada: l'état des lieux, Moncton, Éditions d'Acadie.

Saint-Pierre, Annette (dir.), Répertoire littéraire de l'Ouest canadien, Saint-Boniface, Centre d'études franco- canadiennes de l'Ouest, p. 65.

Sing, Pamela V. (2001), «Écrire l'absence: Montréal et l'Alberta chez Marguerite-A. Primeau et Nancy Huston», University of Toronto Quarterly, vol. 70, no3, (été), p.737-751.



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